Ophiophagie

Introduction

L’ophiophagie vient du grec « ophio » (serpent) et « phagie » (manger) et consiste en la capture et la consommation de serpents. Si dans la nature c’est un mode de consommation tout à fait normal y compris entre serpents parfois du même genre, c’est généralement, hors très rares cas, un mode de nutrition non désiré en terrariophilie. Dans cet article, nous faisons part d’un cas d’ophiophagie non souhaité mais pourtant prévisible en terrariophilie.

 

Trimeresurus (Craspedocephalus) trigonocephalus

Petit crotalinae endémique du Sri Lanka. Les couleurs sont variables mais la coloration est souvent bleutée pour les mâles et verte-turquoise pour les femelles (des exceptions ont déjà été observées). Son air de répartition est étalé sur toutes les zones du petit pays asiatique. Dans les zones plus sèches, les patterns sont plus clairs alors que dans les milieux humides, comme les forêts, les Trimeresurus trigonocephalus ont des tâches noires plus larges et en plus grand nombre. Ceci s’explique facilement par le besoin physiologique de capturer la température environnante. Les mâles restent petits avec une longueur totale d’environ 70 cm là ou des femelles ont été recensées à 1,30 mètre.

C’est une espèce appréciée en terrariophilie et trouver des individus captifs n’est pas une tâche difficile.

D’autres informations sur l’espèce peuvent être consultées sur le site www.asian-pitvipers.com.

Craspedocephalus trigonocephalus - Sri Lanka - Credit: Ronald Zimmerman
Craspedocephalus trigonocephalus – Sri Lanka

Credit: Ronald Zimmerman

 

Contexte de maintien

Le mâle est né en 2016 et acheté en décembre de la même année à un vendeur privé lors du « Terraristik hamm show » en Allemagne. La femelle est quant à elle née en 2017  et également achetée fin septembre 2017 lors d’une bourse aux reptiles en Suisse mais à un second éleveur afin d’optimiser les chances d’éviter toute consanguinité en vue d’une reproduction prévue en 2020.

Le maintien du mâle se fait dans un terrarium de dimension 30 x 30 x 45 (L, l, h, cm) pendant 1 an, seul. La femelle reste environ 2 mois dans le boxe d’achat puis, malgré une taille significativement plus petite, est placée dans le même terrarium. La cohabitation se passe bien pendant environ 2 mois.

Les deux Trimeresurus trigonocephalus sont nourris de manière aléatoire mais toujours en fonction d’observation de comportement de chasse. L’une des spécificités de l’espèce, qui n’est pas pour autant un cas isolé, est de bien manger à la nuit tombée. Par conséquent, lorsque les souris sont amenées en vue de nourrir les deux serpents, la lumière est éteinte depuis environ 30 minutes. Le fait de rallumer ne change rien à leurs façon de manger, les deux sont tout à fait démarrés.

Fin novembre 2017, en vue de la longueur du mâle qui ne répond plus aux critères de la loi sur la détention des serpents en captivité, mais également et surtout par confort pour lui, il est convenu de le déplacer début décembre dans un terrarium plus vaste, probablement en verre de dimension 80 x 60 x 50 (L x l x h, cm).

Trimeresurus trigonocephalus - Femelle NC 2017
Trimeresurus trigonocephalus – Femelle NC 2017
Trimeresurus trigonocephalus - Mâle NC 2016
Trimeresurus trigonocephalus – Mâle NC 2016

Observations

Différentes observations auraient pu ici éviter une ophiophagie non souhaitée:

  • La première, évidente est la place à disposition pour 2 individus de tailles significativement différentes.
  • Le second point fortement supposé est le type de proie donnée au mâle. Ce dernier n’a pas été adapté suffisamment tôt pour le mâle et les serpents étant opportunistes a très bien pu profiter de la présence de la femelle plus petite et donc de taille adaptée pour se nourrir.
  • Le troisième point est à mon sens le plus extraordinaire car dépendant uniquement de l’interprétation des comportements liés aux moeurs. En effet, la majorité des Trimeresurus sont arboricoles et T. trigonocephalus n’échappe pas à la règle. Descendre au sol peut signifier plusieurs choses dont: la déshydratation, la chasse, un problème de santé et, ce que mon intuition me disait initialement: la fuite. En ne respectant pas les 2 premières règles, et ne prenant pas en compte la dernière observation, les chances de survit passaient alors à nulle pour la femelle. L’affirmation est proportionnellement d’autant plus vraie que la dernière fois qu’elle a été aperçue, au sol,  a été dérangée en vue d’être montrée à une tiers personne.

cas d'ophiophagie sur Trimeresurus trigonocephalus

Colonne vertébrale supposée de la femelle Trimeresurus trigonocephalus dans le corps du mâle

Confirmation de l’hypothèse d’ophiophagie

Les Trimeresurus trigonocephalus sont des serpents venimeux. Leurs venins est hémotoxique et moins actifs sur l’être humain que Trimeresurus albolabris(Rathnayaka, R. N., Kularatne, S. A. M., & Ranathunga, P. E. A. N. (2017)). Bien qu’aucun décès n’ait été constaté suite à une morsure de cette espèce (Rathnayaka, R. N., Kularatne, S. A. M., & Ranathunga, P. E. A. N. (2017)), y compris au Sri Lanka, la morsure qui provoque douleurs intenses et œdème n’est pas à prendre à la légère, notamment sur les enfants, plus faibles physiquement.

Bien que les probabilités d’une fuite de la femelle hors du terrarium étaient peu plausibles, il convenait d’en être sûr avant de prendre des mesures draconiennes pour une éventuelle recherche de l’individu dans la maison. La visite chez le vétérinaire pour Trimeresurus albolabris attrapant une quinolone était donc une bonne occasion de faire la radio présentée ci-dessous et obtenir la vérité sur l’hypothèse de l’ophiophagie par le mâle:

Radio de Trimeresurus trigonocephalus démontrant un cas d'ophiophagie
Radio de Trimeresurus trigonocephalus démontrant un cas d’ophiophagie

 

De futures cohabitations ?

Oui ! Les comportements d’un seul individu est déjà très intéressant, mais les comportements sociaux des serpents sont fascinants et l’apprentissage de cette mésaventure n’est pas un frein mais une motivation à d’avantage observer les ophidiens, captifs ou in situ.

Sources:
Rathnayaka, R. N., Kularatne, S. A. M., & Ranathunga, P. E. A. N. (2017). Coagulopathy and extensive local swelling following Green pit viper (Trimeresurus trigonocephalus) envenoming in Sri Lanka. Toxicon, 129, 95-99.

https://www.asian-pitvipers.com